Paru dans Libération : Portrait Rémi Roux, l’éthique du commerce.
Portrait : Ce quinquagénaire énergique est l’un des fondateurs d’Ethiquable, une scop qui a fait de la vente de produits bio et équitables son fond de commerce engagé.
Rémi Roux a 38 ans et quinze ans d’expériences diverses dans l’industrie agroalimentaire lorsqu’il réalise qu’il manque un sens à sa vie, du moins professionnelle. Il s’intéresse alors aux problématiques du commerce équitable et voit là l’engagement commercial qu’il cherchait. Mais Ethiquable, c’est l’histoire d’un virage pris, non pas par un, mais par trois hommes. Un coup du sort solidaire. « J’ai appelé Stéphane Comar, un bon copain rencontré en école de commerce, devenu économiste engagé dans le développement durable, pour lui proposer de monter ce projet ensemble. Emballé, il m’a aussi parlé de Christophe Eberhart, agronome de formation, qui avait déjà pas mal bossé en Amérique Latine et avait développé un réseau de commerce équitable. C’était le bon moment pour nous trois, on s’est lancé. » Avec sa voix chaude et son débit mitraillette, il conte avec enthousiasme cette nouvelle aventure professionnelle. Le trio opte pour le statut d’une scop, une société coopérative et participative. « Les salariés sont sociétaires de la majorité du capital, gage d’une bonne répartition des bénéfices. C’était aussi la garantie qu’avec Christophe et Stéphane, on ne s’engueule jamais pour des questions d’argent ! » résume le fondateur. On est en 2003. Ethiquable voit le jour, fort de son triple engagement, social via la scop, environnemental avec l’accent sur le bio et de solidarité internationale. « Les gens ne savent pas ce que recouvre l’étiquette commerce équitable. Il ne s’agit pas seulement de payer le produit à un juste prix, au-dessus de celui du marché. On établit aussi un partenariat avec nos fournisseurs en investissant sur le long terme, avec une prime au développement que l’on verse aux coopératives partenaires. Cette somme, les producteurs l’emploient en fonction des besoins qu’ils ont sur le terrain pour améliorer ou optimiser leur production. » En novembre, il se rendra d’ailleurs pour la première fois en Amérique Latine, au Pérou précisément, pour l’inauguration d’un atelier de transformation de sucre de canne, fruit entre autres, de la prime au développement versé par la scop. Douze ans après, le pari d’Ethiquable est plus que réussi. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 6 millions de produits commercialisés par an et un chiffre d’affaires de 14,5 millions d’euros, 61 salariés dont 44 sociétaires et 40 coopératives de petits producteurs partenaires en Amérique latine, en Afrique et en Asie. « Je ne compte pas m’arrêter-là, je suis jeune, j’ai tout juste 50 ans » plaisante t-il.
Ethiquable a d’autres projets de développement dans les tuyaux que son fondateur ne peut encore détailler. En attendant, il a créé à Fleurance un jardin de Cocagne en 2012, membre d’un réseau de plus de 120 jardins en France qui porte un projet de réinsertion via l’apprentissage du maraîchage bio. « Ces personnes sont exclues du monde du travail pour diverses raisons (santé, addiction, problème de violence). Elles ont un contrat de 6 mois à deux ans pendant lequel elles acquièrent des compétences agricoles mais pas seulement, à un rythme différent que la cadence salariale classique. Ensuite, elles pourront valoriser ces compétences sur le marché du travail. Ça a du sens. » Sa boussole personnelle, son « sens » qu’il met à tout bout de phrases, c’est peser dans la balance d’une économie citoyenne, plus sociale et solidaire face à une norme libérale. Créer une entreprise sans faire l’impasse sur la qualité des produits ou celle du travail, sur l’environnement ou le chiffre d’affaires n’est finalement pas une équation insoluble. Lire l’article sur le site Libération